De la récré à la ligue du Lol… Au Jeu de dupe de l'égalité
On n’en finit pas de nous vendre
un futur meilleur avec l’avènement imminent de l’égalité entre les hommes et
les femmes. Mais d’un tempérament impatient, je ne peux pas m’empêcher de trouver
que ça dure un peu longtemps. Il parait qu’au rythme du changement observé
jusque-là, l’égalité de salaire sera acquise dans 217 ans. J’ai hâte !
Dans les formations que j’anime,
j’entends chaque jour que c’est en train de changer. Les jeunes générations ne sont plus
pareilles. Ainsi, il suffirait d’attendre… Déjà petite fille, on me promettait
ce monde meilleur et j’y ai cru. Alors pourquoi les chiffres, eux, ne
bougent-ils pas ? Ça change… sans changer et c’est peut-être là qu’il faut redoubler de
vigilance. Ça m’interpelle...
Il y a quelques années seulement,
il était impossible de parler les inégalités. Ce n’était pas un sujet
recevable. Les ricanements et les silences gênés qui ont accueillis la
nouvelle de la création de ma structure Pluségales il y a cinq ans m’ont donné
des ailes…Depuis, les chiffres tombent, les paroles se libèrent et il n’est
presque plus possible d'esquiver les voix qui s’élèvent de plus en plus
nombreuses, pour dire les inégalités. On est bien obligé d’en parler. Je m’en
réjouis.
Et pourtant cette année, deux
évènements de nature fort différente en apparence m’ont interrogé sur ces
changements et leur portée réelle :
La mise à jour sur la place publique de la
ligue du Lol et la prise de parole franche d’une grande fille de 10 ans
dans une classe de cm2.
La ligue du Lol, c’est quoi ?
Des types bien, des types jeunes, de ceux qui préfigurent les changements qui arrivent inexorablement. Une génération plus ouverte. Des types qui travaillent dans la presse de gauche branchée et qui ont pris position pour l’égalité (imminente…). Des types qui ont bénéficié d’une « bonne éducation ». Il y en a même un dont la mère est proviseure de collège, sans doute une femme cultivée, indépendante et surement sensible à l’égalité des sexes. Non, non, pas des types mal élevés aux idées rétrogrades, pas de ceux qui interpellent une fille dans la rue pour lui demander son 06, pas de ces porcs qu’on balance... Non, non, des types qui savent se tenir en surface. Mais sous le glacis de cet environnement bourgeois et politiquement correct se tapit la pire des crasses : du harcèlement dans sa forme la plus brutale et grégaire où le sexisme rivalise avec le racisme. Plus le moindre de signe d’une bonne éducation. La ligue du Lol dévoile soudain une version moins riante que celle de l’égalité en perpétuelle imminence. La ligue du Lol, c’est une irruption de la réalité – celle que vivent ces femmes journalistes, ces noir-e-s, ceux qui ne sont pas « des types bien », qui eux/elles aussi, voudraient pouvoir exercer leur métier dans des conditions acceptables et être reconnue-e-s pour leurs compétences. Une version de la réalité qui n’annonce aucun lendemain qui chante mais qui a le mérite de nous offrir une piste pour expliquer pourquoi le changement n’en finit pas d’être imminent.
L’évènement est moins majeur que
Me too me direz-vous. Ce n’est qu’une poignée de type dans la presse nationale.
Il n’y a pas cet effet masse de Me too. D’ailleurs souvenez-vous en, on se
demandait qui pouvaient bien être tous ces porcs ? Alors qu’il y a tant de
types bien. Et c’est ce qui me travaille
aussi. Pourquoi les inégalités sont si criantes dans ces milieux comme la
presse, la politique, l’université ou la culture ou s’épanouissent tant de types
cultivés et bien élevés ? On dirait qu'il y a comme une impossibilité à voir et à entendre ce qui se passe. Ça me tracasse !
Quel rapport avec la classe de
cm2 ?
En matière de cécité, l’école se porte toujours bien et là n’est pas l’évènement. Ce jour-là, je rencontrais une classe de cm2 pour travailler avec eux sur les usages différenciés de la cour de récréation. Depuis plusieurs mois, je me heurtais autant du côté des enseignant-e-s que des enfants, à un front uni : l’école a travaillé la question des stéréotypes, organisé la récréation pour réduire l’emprise du terrain de foot, en résulte une véritable mixité des jeux. Les garçons et les filles ont les mêmes droits. Les filles peuvent jouer au foot. D’ailleurs, y’a des filles qui jouent. Non Madame, y’a pas des jeux pour les filles et des jeux pour les garçons. Parmi vous, combien jouent à la poupée ? Aucun. Et qui joue au foot là ici maintenant parmi les filles ? si peu… Traverser la carapace des principes pour regarder en face la réalité s’est avéré ardu… Passer de ce qu’il est bien de penser à ce que l’on observe. Apprendre à identifier ce que l’on voit et comprendre ce que l’on ressent n’est pas facile quand la pensée prescrite est si puissante. Tout était donc parfait dans le meilleur des mondes…Jusqu’à ce jour ou une fille lève le doigt et me dit comme quelque chose qui ne peut plus être tu : « Mais madame, on joue au foot mais on n’en touche pas une ! » Et vlan, l’écran se crève. Enfin, on peut discuter de ce qui se passe. Et là, toute la classe s’emballe et semble enfin concernée en vrai par ce qui s’échange. On peut mettre de côté la leçon bien apprise de l’égalité (C’est imminent, vous dis-je …) pour parler de ce qui se passe en vrai. Et les garçons de dire que les filles ne savent pas jouer et qu’on a pas envie de leur passer la balle. Alors qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça change ? Une fille se lance : « On a qu’à prendre le terrain ! » Ah, ça m'intéresse ! S’approprier l’espace, le revendiquer, le négocier. Et si les filles jouent moins bien (A vérifier !), comment elles pourraient apprendre à mieux jouer ? Certainement pas en faisant semblant de jouer sans toucher la balle. Notez que celles qui s’y refusent dans ces conditions, peut-être au prix d’un renoncement à un jeu qu’elles pourraient aimer, ont choisi une option tout à fait logique et compréhensible.
En matière de cécité, l’école se porte toujours bien et là n’est pas l’évènement. Ce jour-là, je rencontrais une classe de cm2 pour travailler avec eux sur les usages différenciés de la cour de récréation. Depuis plusieurs mois, je me heurtais autant du côté des enseignant-e-s que des enfants, à un front uni : l’école a travaillé la question des stéréotypes, organisé la récréation pour réduire l’emprise du terrain de foot, en résulte une véritable mixité des jeux. Les garçons et les filles ont les mêmes droits. Les filles peuvent jouer au foot. D’ailleurs, y’a des filles qui jouent. Non Madame, y’a pas des jeux pour les filles et des jeux pour les garçons. Parmi vous, combien jouent à la poupée ? Aucun. Et qui joue au foot là ici maintenant parmi les filles ? si peu… Traverser la carapace des principes pour regarder en face la réalité s’est avéré ardu… Passer de ce qu’il est bien de penser à ce que l’on observe. Apprendre à identifier ce que l’on voit et comprendre ce que l’on ressent n’est pas facile quand la pensée prescrite est si puissante. Tout était donc parfait dans le meilleur des mondes…Jusqu’à ce jour ou une fille lève le doigt et me dit comme quelque chose qui ne peut plus être tu : « Mais madame, on joue au foot mais on n’en touche pas une ! » Et vlan, l’écran se crève. Enfin, on peut discuter de ce qui se passe. Et là, toute la classe s’emballe et semble enfin concernée en vrai par ce qui s’échange. On peut mettre de côté la leçon bien apprise de l’égalité (C’est imminent, vous dis-je …) pour parler de ce qui se passe en vrai. Et les garçons de dire que les filles ne savent pas jouer et qu’on a pas envie de leur passer la balle. Alors qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça change ? Une fille se lance : « On a qu’à prendre le terrain ! » Ah, ça m'intéresse ! S’approprier l’espace, le revendiquer, le négocier. Et si les filles jouent moins bien (A vérifier !), comment elles pourraient apprendre à mieux jouer ? Certainement pas en faisant semblant de jouer sans toucher la balle. Notez que celles qui s’y refusent dans ces conditions, peut-être au prix d’un renoncement à un jeu qu’elles pourraient aimer, ont choisi une option tout à fait logique et compréhensible.
Alors, c’est ça le truc ? Donner le change pour construire la fiction de la mixité sans qu’on soit obligé
de modifier nos manières de jouer ou de travailler ?
La double peine pour
les filles serait de faire semblant d’être dans le jeu en acceptant de ne
jamais avoir la balle pour continuer à entretenir l’idée que c’est en train d’advenir
sans que rien ne change. Pour les garçons, à condition d’être bien élevés en apparence, continuer à s’autoriser de ne pas
penser leurs privilège.
Pour que le changement ait lieu, il va falloir ouvrir les dossiers. La méthode Coué n’est pas une option pour
l’égalité femmes hommes. Débusquer,
partout et tout le temps, ce jeu de dupe pour analyser ce que l’on vit, nommer
ce que chacun-e ressent. C’est la condition nécessaire pour inventer le changement.
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