Voilà une opération en
apparence à la portée de tout-e-s et qui, pourtant, semble présenter des
difficultés persistantes, quand il s’agit de mesurer la parité.
Parité : « Égalité de la
représentation de deux parties (parfois plus) dans une assemblée, une commission.
»[1]
Simple, non ? Eh bien, il
semblerait que pour la majorité d’entre nous, il n’en soit rien. Alors que la
sélection officielle du festival de Cannes 2014 ne comptait aucun film réalisé
par une femme, l’édition 2015 a été saluée pour la place faite aux femmes : 15
femmes sur 49 hommes. Grâce à un rapide calcul, nous concluons (sans trop de
peine) que la sélection comptait donc cette année 30 % de films réalisés par
une femme. Voilà qui constitue un indéniable progrès même s’il semblait difficile
de ne pas faire mieux que l’année précédente…
Mais malgré tout, on se dit, ça avance !
Doucement, certes, et il va falloir attendre longtemps, vu que l’on part de
très bas, souvent. Et puis, le doute s’immisce dans notre bel optimisme… Parce
que les commentaires suscités par cette bonne nouvelle sont déconcertants : «
Le festival de Cannes fait la part belle aux femmes » peut-on lire dans 20 minutes
et Marie-Claire qui titre également « Cannes 2014 : et si c‘était l’année des
femmes ? ». D’un coup, on a l’impression d’un raz-de-marée ! La « part belle »,
ça sonne bien, un peu galanterie d’un autre âge, certes… mais, au juste, la part belle,
c’est combien ?
30% = parité ?
En 2015, c’est l’année des
femmes dans le cinéma avec 30 % … L’année des femmes, au fait, c’est tous les combien
? Maïwenn, a eu « le privilège » de présenter son film la première (parmi les
français) commente le site d’RTL.
Privilège : Droit, avantage
particulier accordé par une autorité, à une personne ou à un groupe, en dehors
des règles communes[2].
On sent bien qu’elle a
bénéficié d’une faveur, quelque chose qu’on vous accorde à titre exceptionnel.
Et là, forcément on se dit qu’il se pourrait que cela ne dure pas…
Cette considération sur la
marche lente et sûre vers l’égalité m’a rappelé une autre histoire de
consécration artistique. Un collègue directeur de SMAC m’appelle un jour et me
dit « Cécile tu vas être contente, y’a plein de femmes dans la sélection du
FAIR[3] cette année !! ». (Entre nous, c’est bien pratique d’avoir dans
son entourage un-e féministe a qui « ça fait plaisir », quelqu’un qui s’occupe
de cette question pour que les autres puissent se consacrer à des chantiers
plus cruciaux. C’est un peu comme avec la Journée de la femme et les 364 autres jours.) Je me suis donc penchée
sur la dite sélection et, en effet, il y a avait 20 % de femmes. C’est-à-dire beaucoup
plus que d’habitude ! Un raz-de-marée vous dis-je !
Y’en à plein = 20 % = parité
?
Mais rassurez-vous, là
aussi, ça n’a pas duré et la sélection 2015 du FAIR compte 2 femmes dont une
seule est, sans conteste possible, le leader de son propre groupe composé
d’elle-même et d’une multitude d’instruments et de machines dont je n’ai pas
réussi à déterminer le sexe : Léonie Perret, musicienne électro, touche-à-tout inclassable.
2 sur 15 = 13 % = parité ?
13 % de femmes, un
pourcentage qui est conforme à ce que l’on entend sur les scènes de musiques
actuelles, dans les écoles de musiques actuelles : Ouf ! tout est revenu à la
normal. Tellement habitués que nous sommes à une certaine proportion, nous ne
nous apercevons pas que notre perception de la « juste mesure » est comme perturbée
par l’évidence de ce que nous avons toujours vu. Alors, on a l’impression que
ça avance, que l’égalité est en marche. Sauf que, sans s’en rendre compte, on
se trompe dans le calcul. Quand on se dit « y’a plein de
femmes » ou « c’est l’année
de la femme », on se fie, sans s’en rendre compte, à une autre définition de la
parité :
Parité : Correspondance
entre une monnaie et un certain poids d’or, ou entre une monnaie et une autre
monnaie, prise comme référence, et elle-même définie par rapport à l’or. [4]
Alors, je me dis que c’est
une hypothèse intéressante. Si je raisonne comme à la bourse, en termes de
valeur du
point, je cherche à
déterminer le cours de la femme en référence à la valeur de l’Humain.
J’en déduis que l’unité
femme – dans le secteur culturel – oscille entre 10 et 30, là où celui de
l’unité homme se ballade entre 70 et 90…
1 + 1 = 2
Article publié par l'Observatoire des politiques culturelles : Idéothèque
[1] Définition du CNRTL.fr , Centre National de Ressources Textuelles
et Lexicales
[2] Définition du CNRTL.fr , Centre National de Ressources Textuelles
et Lexicales
[3] FAIR : Fonds d’action et d’Initiative rock : dispositif national
de soutien aux groupes émergents de la scène musiques actuelles française
[4] Définition du CNRTL.fr , Centre National de Ressources Textuelles
et Lexicales